Et si les hypersensibles n’étaient pas « trop »?

Les personnes à haute sensibilité, ou hypersensibles, sont habituées à être qualifiées par les autres de « trop ». Trop sensible, trop réactif, trop susceptible… Mais également : « tu te compliques la vie », « tu coupes les cheveux en 4 », « tu ressasses » …

Les hypersensibles sont-ils vraiment « trop »?

Être ainsi qualifié est déjà une chose peu plaisante. Ce qui est plus gênant encore, selon moi, est que sans s’en rendre compte, ces personnes hypersensibles finissent par s’approprier ces jugements.  Ils intériorisent littéralement ce regard sur eux. Ils apprennent malgré eux à se voir, se juger devrais-je dire, au travers de ce prisme qui prend l’allure de vérité. Quand ils se voient vivre et réagir, ils ne peuvent ensuite que se constater effectivement « trop ceci », « trop cela » et se confirment involontairement cette sentence sur eux-mêmes.

Qu’est-ce que « être normal » ?

La première question est : « Trop » par rapport à quoi ? Par rapport à qui ?

Qui dit que c’est trop ? A partir de quand est-ce trop ? Cela devient intéressant de s’interroger sur la valeur étalon, sur sa source, son origine ?  Cela correspond à une forme de norme implicite, issue de comportements largement partagés et valorisés par une population, une culture, un pays.

« Être dans la norme », c’est se sentir normal, conforme. Il n’y a qu’un pas pour avoir l’impression que c’est la voie royale pour être intégré, avoir sa place, être valorisé.

Certains hypersensibles non seulement se disent qu’ils ne sont pas normaux, pas conformes, différents, mais certains vont jusqu’à se poser très sérieusement la question d’une folie dont ils seraient porteurs, tellement leurs capacités de perception et de réaction peuvent se trouver parfois en décalage avec leur environnement immédiat.

Selon les travaux d’Elaine Aron, les personnes qui fonctionnent avec le trait de l’hypersensibilité représenteraient 15 à 20% de la population. S’ils sont donc relativement nombreux, leur fonctionnement est néanmoins minoritaire. La « norme » ne correspond donc non pas au meilleur comportement ou au fonctionnement le plus approprié, mais à celui qui est le plus partagé : le nombre rassure. On a le sentiment d’avoir raison quand on est nombreux.

Le fonctionnement des hypersensibles est donc totalement valable, au même titre que le fonctionnement des autres. Il est juste moins fréquent dans la population.

Des compétences spécifiques à légitimer

Les hypersensibles ont du mal à reconnaître leur fonctionnement comme légitime car il n’est malheureusement pas valorisé, implicitement ou explicitement, par les autres. Déjà le simple terme « hypersensible » est révélateur, dans le sens où il subit déjà un jugement implicite. Quelle image se présente à votre esprit quand on parle d’hypersensible ? Des émotions débordantes, une réactivité excessive, voire de l’hystérie, des bizarreries ? Les travaux d’Elaine Aron parlent plus d’une hyper sensitivité. D’une capacité, parfois hors normes, de perceptions, de captations d’éléments implicites et subtils. A laquelle s’ajoute une pensée foisonnante car ils font de nombreux liens spontanés entre les informations.

Cette réelle méconnaissance des capacités globales des hypersensibles, conduisent les individus eux-mêmes, mais aussi leurs familles et les entreprises à se priver littéralement des compétences spécifiques et performantes de ces profils.

On aboutit à des personnes qui sont parfois en souffrance, bien moins par ce qu’elles sont et leur fonctionnement intrinsèque, que par la pression qu’elle se mettent, en vain, à fonctionner « comme les autres ». Ils pensent que c’est ainsi qu’ils pourront se valoriser, tant que cette norme est active en eux.

C’est pour cela que travailler à déconstruire la norme intériorisée et leur permettre de connaître, comprendre et respecter leur fonctionnement, va leur permettre de mieux fonctionner et de mieux interagir avec les autres.

Et de découvrir qu’ils peuvent à la fois être eux-mêmes et s’intégrer.

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